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LE RAISIN VERT

qu’ils avaient dansé à trois, devant les vieillards de la pension de famille, accompagnés au piano par Isabelle.

Laurent n’était pas moins remarquable dans la matchiche et la valse-tourbillon, en ce temps-là. À présent, si on lui parlait de ces prouesses, il fronçait le sourcil et prenait son œil d’Arabe offensé.

« Les autres garçons l’ont rendu bête, voilà. » Mais peut-être, peut-être consentirait-il tout de même aujourd’hui à valser avec elle, puisqu’il l’aimait.

— Les affutiaux du Corbiau sont bien imaginés, disait Laurent, drapé dans un peignoir de bain et assis sur le canapé de velours à fleurs, dans la chambre d’Isabelle.

— Oui, reprit-il, avec sa mine de pruneau, toutes ces couleurs, c’est assez rigolard.

— Schéhérazade… murmura Lise d’une voix ivre, contemplant sa cousine qu’Isabelle achevait d’habiller. Il va venir tout à l’heure un calender borgne, qui nous dira : « Belles princesses, je n’ai pas toujours été celui que vous voyez… » Et moi, Laurent, comment tu me trouves ?

— Pas mal, dit Laurent, l’appréciant d’un œil équitable. Pas mal, mais quelconque.

— Quelconque ! reprit Isabelle avec indignation, va-t’en voir si elle est quelconque, celle-là, tête de Cafre !

Les trois enfants éclatèrent de rire et Laurent murmura en secouant la tête, avec une expression d’indulgence patriarcale et millénaire :

— Comme tu es jeune, maman !

— D’abord, reprit Isabelle, on ne pourra pas juger du costume de Lise tant que je ne lui aurai pas fait son chignon. Je m’en vais lui dresser un de ces petits