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LA MAISON DES BORIES

de s’inquiéter de toi maintenant, que personne lui demandait rien et qu’elle nous fiche la paix. Pis alors, papa a dit que c’était tout de même correct de lui répondre et Sa Gentille a dit que c’était pas la peine d’être correct avec une femme qui était moins qu’une femelle, parce qu’elle avait rien dans le ventre.

— Moins qu’une femelle ! reprit Laurent avec enthousiasme. Moins qu’une vache, moins qu’une lapine, eh ! ben alors, je comprends qu’il faut pas se gêner. Tu peux être tranquille, si jamais elle sort de son Mexique, moi je ne fais ni une ni deux, je la prends par la peau du dos et je la flanque dans le ravin.

— C’est ça ! c’est ça ! avait piaulé la Zagourette en trépignant de plaisir. Et quand elle sera au fond, on lui crachera sur la tête, hein, dis, Laurent ?

Mais le Corbiau avait simplement haussé les épaules et dit d’une voix tranquille :

— Elle ne viendra pas, et qu’est-ce que tu veux que ça me fasse, cette histoire-là ?

Et maintenant la voilà dans sa maison du champ de seigle et l’inquiétude fait un nouveau bond.

« — Alors, papa a dit que c’était tout de même correct de lui répondre…

« S’il a vraiment dit que c’était correct, tout est perdu et il va lui répondre, il lui a déjà répondu.

« Mais supposez qu’il lui ait répondu : « Vous pouvez venir la chercher, si ça vous fait plaisir, etc… » cela ne prouve pas forcément que tout soit perdu.

« D’abord parce qu’il est très possible que cette femme-là n’ait aucune envie de venir la chercher et on lui en serait très reconnaissante, de n’avoir pas cette envie. Mais supposez qu’elle en ait envie tout de même et qu’elle vienne la chercher. Ah ! eh bien alors, on verrait un peu Isabelle ! »

Là, le Corbiau sentit qu’elle touchait à une bouée de sauvetage, s’y cramponna et, soulagée, se mit à rire doucement à l’idée de la manière dont Isabelle