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LA MAISON DES BORIES

Une petite figure parlait — une petite figure en chemise de nuit, assise sur le lit d’Isabelle. Pas plus de poids qu’un oiseau et une voix blanche, monocorde, une voix de rêve qui n’avait pas l’air de penser ce qu’elle disait : « Il ne faut pas te tourmenter, ma Belle Jolie. À supposer que tout n’aille pas très bien, il ne faudrait pas te tourmenter. Parce que nous, ce serait facile de faire ce qu’il faut. Je voudrais seulement savoir combien il faut manger de graines de pavot ou bien si la ciguë vous fait mourir plus vite… »

Là où elle était, Isabelle trouva ces mots tout simples et tout naturels.

— Écoute, écoute, dit-elle vivement, d’une voix blanche et rapide — la voix, sans doute, de cette Isabelle qui se promenait la nuit tout endormie dans la chambre des enfants, guettant les cauchemars et les perce-oreilles. Écoute, écoute, si on vous dit que je suis morte, il ne faudra pas le croire avant de m’avoir vue. Il faudra vous faire conduire près de moi, et venir contre moi et m’appeler : « Maman ! » Si je ne réponds pas, c’est que je serai vraiment morte. Alors, écoute bien : il faudra prendre ce petit paquet cacheté de cire rouge qui est au fond de la boîte de laque dans le placard de ma chambre. Dans trois verres d’eau, c’est juste ce qu’il faut et ce sera très vite fait. Écoute aussi : tu prendras la lettre qui est dans le tiroir de ma table de nuit et tu la mettras sur ton lit, bien en évidence. C’est pour Amédée.

— Amédée, demanda la petite voix monocorde, qu’est-ce qu’on en fait ?

— Rien, répondit l’autre voix.

Les membres d’Isabelle s’étirèrent au fond du sommeil et un profond soupir sortit de sa poitrine. La petite figure avait disparu.

Elle dormit bien et s’éveilla pleine de confiance.