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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/246

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LA MAISON DES BORIES

Une douleur aiguë le fit bondir du lit en grondant. Une preuve ! Il lui fallait une preuve ! Elle avait dû garder ses lettres, toutes les femmes gardent les lettres où il est question d’elles ! Une seule preuve et il la ferait condamner, il lui enlèverait les enfants, son Laurent, son chéri et les deux petites et elle pourrait venir hurler à la porte de la maison comme une chienne, il la ferait chasser à coups de balai !

L’armoire d’Isabelle était fermée à clef. Il fit sauter la serrure avec un ciseau à froid, bouleversa les rayons, jetant le linge pêle-mêle à travers la pièce ! ces chemises qu’il avait aimées sur elle, en linon fin, « garnies de vraie dentelle » ou d’un simple motif de jours, ces bas de fil de bourgeoise honnête, ces petits mouchoirs transparents avec un « I » brodé dans un médaillon ovale, ces mouchoirs avec lesquels Isabelle avait si souvent tamponné ses paupières douces aux lèvres, plus bistrées et plus chaudes quand elles avaient pleuré… Il bouleversa tout, avec une fureur méthodique, retourna tous les tiroirs de la commode sur le tapis, visita le placard où un petit paquet blanc reposait au fond d’une boîte de laque et ne trouva rien. Enfin, comme il ouvrait, sans grand espoir, le tiroir de la table de chevet, une enveloppe lui sauta aux yeux, qui portait une suscription, de l’écriture d’Isabelle : « Pour mon mari. À ouvrir après ma mort. »

À six heures, M. Durras descendit et pria Antonin d’atteler pour le conduire à Chignac au train de Paris.

Lorsque le domestique revint, il confia à Marie « que Monsieur avait une tête épouvantable et que ce n’était vraiment pas permis de se mettre dans des états pareils à propos d’une scène de gosses ».