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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/269

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LA MAISON DES BORIES

secrètement à la sienne. Et maintenant, il fallait quitter tout cela, sans regrets, puisqu’elle l’avait voulu. Il fallait se plier à la vie policée des villes et jeter ses petits sauvages dans le creuset, pour en faire des hommes et des femmes, livrer leurs esprits à d’autres influences — et c’était cela qui serait le plus dur — leur donner des maîtres qui leur apprendraient tout ce qu’elle ne pouvait leur apprendre, tout ce qu’elle aurait voulu savoir et qu’ils sauraient à sa place. Toute sa vie allait être vouée à organiser leur ascension. Il faudrait que l’intelligence vînt constamment au secours de l’instinct, que l’amitié, entre eux, secondât l’amour…

Amédée redescendait.

— Eh ! bien, nous partons ?

— Nous partons ! répondit-elle avec allégresse.

Ils ne partaient pas pour le même voyage.

La voiture démarra au trot pesant d’un cheval de labour. Tous se retournaient pour voir la maison jusqu’au dernier moment. Elle se détachait sur sa butte, blanche, nue, aveugle avec ses volets fermés, une face morte, une coque vide qu’on abandonnait au vent.

Les enfants chagrins se pressaient contre Isabelle. Comme on passait sous le grand hêtre, elle leva les yeux pour regarder le bel arbre mutilé par la foudre et la branche verte qui surgissait de la cicatrice, vieille aujourd’hui d’une année. Puis elle se renfonça dans la voiture et ne regarda plus rien.


FIN

PARIS. — TYPOGRAPHIE PLON, 8, RUE GARANCIÈRE. — 1932 ; 43197