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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/82

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LA MAISON DES BORIES

Comment veux-tu que je me sois jamais figuré… Comme tu es drôle !

Et la petite rit tout bas de plaisir, tant c’est drôle de se sentir si bien rassurée, tranquillisée pour toujours, sans que personne ait jamais su…

— Tout de même, chuchote-t-elle en riant, comme j’aurais été bête, hein, si je m’étais mis dans la tête qu’elle allait venir me prendre ? Comme j’aurais été une imbécile de bête ! Hein ?

— De quoi parle-t-on ? interrompt une voix impatiente. Qu’est-ce qu’il y a encore ? Arrivera-t-on à passer une nuit tranquille dans cette maison, oui ou non ?

Amédée est là, pâle sous le lait bleu du clair de lune, avec sa lèvre écarlate qui s’agite nerveusement. Correct, sanglé, même à cette heure de la nuit, dans un veston de chambre à col montant, il a l’air d’un préfet mécontent de ses administrés.

Mécontent ? Oh ! plus que mécontent ! Une colère inexplicable altère sa voix, durcit ses yeux clairs sous les épais sourcils et le Corbiau sent le cœur lui manquer.

Isabelle explique que la petite a fait un mauvais rêve, qu’elle a un peu de fièvre, mais Amédée secoue la tête et rit, à bouche fermée, en soufflant par les narines.

— Que de peine, Isabelle ! Que de peine vous allez vous donner pour inventer une histoire, si je ne vous dis pas tout de suite que je sais très exactement ce qui a empêché cette enfant de dormir… Mais je vous le dis tout de suite, vous voyez. Je ne mens pas, moi. J’ai tout entendu, c’est simple. Elle était longue, votre minute, ma chère. J’aurais eu le temps de m’ennuyer si je n’avais entendu quelque chose d’assez intéressant… Dame, je peux bien écouter aux portes, moi aussi, comme Laurent, hein ?

Ces derniers mots ont été lancés d’une voix nasale, claironnante. Laurent s’éveille en sursaut, étend des bras de noyé :