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LA MAISON DES BORIES

Elle se glisse à côté de Laurent dans le petit lit de fer et le prend par le cou.

Quel bonheur ! Il ne l’appelle plus « pou de bois », il se laisse embrasser tant qu’elle veut, il a même de ces sollicitudes invraisemblables qui la bouleversent de reconnaissance :

— T’as froid aux pieds, ma pauv’grosse ? Mets-les sur les miens.

Il est toujours chaud comme un pain qu’on sort du four, ce Laurent. Il en a même l’odeur, cette bonne odeur de soleil en tranches. Et il est si plein d’idées, ce Laurent ! Il fait de si jolis portraits de fleurs avec son aquarelle et ses pinceaux ! Il chante si bien la gamme ! Oh ! et quand il imite le poulailler surpris la nuit par un renard ! Et ce don qu’il a, ce don véritablement céleste pour tout mettre à feu et à sang et pour inventer des expéditions à se rompre le cou et ramener à la maison des filles écorchées et pleines de bosses et rayonnant d’une gloire intime ! Ah ! c’est un z’homme épatant, ce Laurent, on peut pas dire le contraire !

Elle le serre par le cou de toutes ses forces, tandis qu’il dodeline de la tête, perplexe et reniflant, tout ensommeillé, tout bénin :

— Enfin, qu’est-ce qui lui a pris de me tomber dessus comme ça pendant que je dormais ? Qu’est-ce qui lui a pris, dis un peu ?

— Laisse donc, dit Lise, c’est sa z’humeur noire qui le tient, tu sais bien. Faut plus y penser. Écoute, écoute voir, si on se racontait des histoires tous les deux, hein, dis ?

Mais il avait coulé à pic au fond du sommeil, en moins d’une seconde.



Isabelle, debout dans sa chambre, attendait qu’Amédée fût endormi pour retourner auprès des enfants. Les