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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/147

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TROIS PARMI LES AUTRES

— Et moi, demandait l’abbé Graslin, qu’estce que je vais faire ?

— Vous, monsieur le curé, vous serez l’ours Baloo, précepteur de Mowgli. On ne vous demande pas de marcher à quatre pattes. Le poil suffit.

L’abbé s’esclaffa, ravi, tirant sa barbe.

— Oh ! regardez ! s’écria Robert-Mowgli.

Annonciade arrivait, marchant d’un pas harmonieux qui n’était pas tout à fait naturel. Elle s’était drapée dans un voile de soie bouton d’or qui encadrait sa tête, laissant passer seulement deux coques de cheveux noirs, enveloppait étroitement les épaules et les hanches et de là remontait vers la poitrine, ramené par la main qui lui imprimait des plis en éventail comme on en voit aux draperies de Tanagra. La robe bleu de nuit serrée aux hanches par le voile s’évasait autour de ses jambes fines.

— Est-elle jolie ! murmura le jeune homme. Elle me rappelle cette femme qui revenait de la fontaine, dans un village de la Mauritanie…

Il se tut, poursuivant la vision lointaine, que ranimait la vision présente.

— Bravo, s’écriaient les autres, admirable !

Annonciade avait encore devant les yeux l’image radieuse que lui avait renvoyée la glace. Elle se sentait pleine d’une assurance que jamais encore elle n’avait éprouvée — et heureuse… Ah ! une envie de chanter…

— Dans tout cela, dit André, il n’y a qu’Antoinette et moi qui n’ayons pas de rôle.

— Voulez-vous faire Shere-Khan ?

— Le traître ! Merci bien. Si vous n’avez pas d’animal plus sympathique à m’offrir… D’ail-