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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/188

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TROIS PARMI LES AUTRES

d’amour : il n’y a pas de meilleure cure. Tenez, mademoiselle, voyez-vous cette guêpe ? Est-elle assez chétive ! Fait-elle assez de bruit ! On n’entend qu’elle. Voilà ce que c’est que l’amour. On en a plein les oreilles — et quand on voit l’insecte…

— Mais alors, madame, qu’est-ce qui vaut la peine de vivre ?

— Comment ! Ce qui vaut la peine de vivre ! Mais tout ce qui est vrai, mademoiselle ! Un enfant, un jardin, un chien, — le pain, mademoiselle, le pain !

La pauvre Marie-Madeleine secoue la tête : sa chlorose échauffée d’encens repousse avec désespoir cette philosophie terre à terre ; elle s’indigne, se débat, mais elle n’est pas de taille à soutenir la lutte.

Quinze ans après, voici qu’elle trouve un renfort inattendu. La petite fille a grandi — le lilas ne la cacherait plus — et de toute l’impétuosité de son jeune amour elle donne tort à la voix moqueuse qui vantait la supériorité du pain.

Peu de chose, cette irradiation, cette impression d’avoir avalé le soleil ? Allons ! Est-ce que de pareils signes vous trompent, est-ce qu’ils ne sont pas l’annonce d’un bonheur encore plus puissant ? La Visitation avant le Messie ? Auprès de celui-là, tous les triomphes pâlissent. Cela seul vaut la peine de vivre. Tu n’as pas su le comprendre, cher fantôme. Peut-être n’en étais-tu pas digne. Pourquoi ne serais-je pas, moi, Antoinette, désignée pour une grâce particulière ? Oui… je sais bien ce que j’ai dit autrefois, mais n’était-ce pas toi qui me soufflais mes paroles ? Je sens qu’au-