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TROIS PARMI LES AUTRES

éditeur parisien, situation bureaucratique et mal payée, mais qui s’accordait, pensait-il, avec ses aspirations littéraires. Par une heureuse coïncidence, un de ses amis qui allait se marier lui offrait une garçonnière à Vaugirard.

— Que me conseillez-vous ?

Elle comprenait bien qu’il ne réclamait pas seulement un conseil, mais un acquiescement tacite à tout ce que supposait son installation à Paris : entrevues fréquentes, rapprochement, intimité (et quoi encore ? se dit-elle avec rage).

C’est pourquoi elle avait répondu posément qu’elle se défendait de l’influencer, que, pour sa part, elle aurait préféré de beaucoup la vie à la campagne à tous les attraits alcoolisés de la galère parisienne, mais que c’était une affaire de goûts et de constitution… À André de choisir sa vie lui-même…

Alors il avait bondi sur une autre idée :

— Ah ! vous aimeriez vivre à la campagne ? Dans ce pays ? Mais vos études ? Vous ne voudriez pas les abandonner…

— Il n’est pas question d’abandonner mes études. Je suis à Paris, j’y reste. Nous parlons de vous en ce moment.

Mais André avait cette obstination des timides qui se cramponnent à leur désir avec d’autant plus d’énergie qu’ils n’osent pas envisager les circonstances contraires. Les détours qu’il prenait pour forcer le consentement d’Antoinette lui évitaient le refus catégorique qui, seul, eût pu le décourager. Il se remit à supputer tout haut les avantages de la situation qu’on lui offrait, les charmes de l’appartement :