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TROIS PARMI LES AUTRES

Dès qu’il le put, Bertrand se glissa à côté d’Antoinette, lui prit le bras, demanda à voix basse :

— Que s’est-il passé ? Tu es blanche comme un poireau, André bafouille… Il t’a fait une déclaration ?

— Il prétend que je me moque de lui depuis l’âge des couches-culottes, réplique Antoinette sur le même ton.

— Pauvre vieux ! J’avais bien vu qu’il en pinçait pour toi. Quelle drôle d’idée ! Enfin… tu comprends ce que je veux dire…

Antoinette comprend. Elle approuve même, en style Bertrand, égayée par cette diversion :

— Tu parles !

— Et naturellement tu ne peux rien pour lui ?

— Bien sûr que non… que veux-tu que je fasse ?

— L’amour ne se commande pas, constate Bertrand, profond philosophe. Pauvre vieux. Ça lui passera…

— Mais dis donc, toi, à propos… ne va pas trop fort avec Suzon.

— Est-ce que tu me prends pour un cochon ? demande Chérubin d’un air offensé.

— Jamais de la vie. Tu es trop bien lavé. Tout de même, je trouve que vous allez fort, tous les deux. Elle fait la petite grue et toi, bien entendu, tu ne demandes que ça. Seulement, moi qui l’ai amenée ici et qui en suis responsable aux yeux de ses parents, ça ne m’amuse pas. Elle n’a que dix-huit ans, cette gosse.

Bertrand retire son bras. Ses yeux verts et dorés, si francs, fuient les yeux d’Antoinette.