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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/207

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TROIS PARMI LES AUTRES

Antoinette haussa les épaules et se tut, craignant d’éclater en sanglots, bêtement. Elle aurait mieux aimé mourir sur place.

Les autres avaient assisté sans mot dire à cette passe d’armes. La jeune fille quêta sur leur visage une approbation, un soutien. Mais Bertrand regardait Suzon, qui lui parlait en riant. André détournait les yeux pour ne pas laisser voir une satisfaction méchante, dont il avait tout de même un peu honte. Un silence pesant tomba.

— Ah ! se dit Antoinette avec une âpre ironie, parlez-moi de l’amour pour mettre du liant ! S’il n’y avait que lui pour fonder les sociétés…

Elle marcha vers les voitures, le menton levé d’un air de défi, les narines palpitant dédaigneusement. Ces jeux de physionomie menteurs lui permirent de refouler ses larmes.

Devant la grille de Gagny, les adieux furent froids et gênés, excepté pour Bertrand et Suzon qui s’étaient quittés sur ces mots :

— Alors, demain soir ?

— Au bas de la côte, entre dix et onze heures, comme d’habitude. Je ne peux pas fixer l’heure exactement, vous savez pourquoi.

— Fort, fidèle et fier, j’attendrai à mon poste jusqu’à la consommation des siècles.

— Phraseur, va ! Bonsoir, mon gigolo.

— Bonsoir, ma gigolette.

Antoinette, précédant ses amies, ouvrait les volets de la salle à manger. Quand elle se retourna,