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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/217

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TROIS PARMI LES AUTRES

— Bertrand, petit voyou, voulez-vous rester tranquille.

— Mes mains ont horreur du vide, réplique le garçon, riant sous cape. C’est de la physique expérimentale, mon cher atome.

— Si Antoinette vous entendait…

— Laissez Antoinette. Ce ne sont pas ses affaires, grommela Bertrand, rembruni.

— Vous savez ce qu’elle m’a encore dit l’autre jour quand je rentrais de me promener avec vous, le matin ?

— Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?

— Je lui demande ce qu’il y avait à déjeuner. Elle me répond — et il fallait voir de quel air : « De l’homme ! C’est le plat du jour. »

— Sacrée Toinon ! C’est bien d’elle. Elle s’est payé ta tête, ma pauvre gigolette.

— Vous riez, mais je vous assure que ce n’est pas drôle la vie à la maison.

— Viens chez moi.

— Ne dites donc pas de bêtises. C’est vrai ! elle est tout le temps à surveiller nos moindres gestes, à ma sœur et à moi. Je comprends que ça doit être exaspérant de contempler le bonheur des autres quand on est soi-même laissé pour compte… Mais enfin j’aurais cru qu’une fille comme Antoinette, que j’admirais tant, y mettrait plus de grandeur d’âme.

— On s’en va ? demanda Bertrand, qui avait horreur des histoires presque autant que du vide.

Ils roulaient depuis un moment lorsqu’ils firent une rencontre singulière. Une limousine d’un vieux modèle venait à leur rencontre. Comme elle tenait