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TROIS PARMI LES AUTRES

férentes d’eux. Ils ne peuvent pas nous comprendre.

Elle ne se souvenait pas d’une certaine Suzon qui avait justement spéculé sur cette incompréhension pour trahir son amie et livrer à l’interprétation masculine le secret de leurs conversations abandonnées.

Cette Suzon-là n’a aucun rapport avec celle de ce soir qui aime Antoinette de tout son cœur, pour le plaisir qu’elle a eu à lui raconter son aventure. (Et elle ne m’a fait aucun reproche ! C’est une fille épatante, tout de même…)

— J’ai un mal de tête fou, dit Antoinette. Je vais me faire une infusion de tilleul pour prendre un cachet. En veux-tu ? Ça te calmera les nerfs.

Dans la cuisine sombre, elles font de la tisane sur une lampe à alcool avec des airs de conspiratrices. Suzon prend une main d’Antoinette et la baise.

— Tu es folle !

— Antoinette… je voudrais que tu sois heureuse.

— Mais je ne suis pas malheureuse, mon petit.

— Tu n’es pas heureuse, en tout cas.

— Ça n’a pas grande importance. Le bonheur c’est l’accessoire, vois-tu. On peut très bien s’en passer.

— Je voudrais que tu sois heureuse, reprend la petite avec obstination, parce que tu le mérites. Je t’admire, Antoinette. Et j’en connais d’autres qui t’admirent.

— Ah ! nom de nom, dit Antoinette avec amertume, il n’y a pourtant pas de quoi…

— J’entendais l’autre jour Robert Gilles qui