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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/254

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TROIS PARMI LES AUTRES

— Bien entendu, Robert, où voulez-vous en venir ?

— À ceci : vous devez me haïr, Antoinette,

— Moi !

— Oui, Il n’y a pas longtemps que je me suis rendu compte du rôle que j’ai joué dans votre vie.

(Dieu ! que va-t-il dire ?)

— C’est tout à l’heure seulement, quand vous avez parlé de rester seule ici. Je vous ai vue abandonnée, dépouillée… Et c’est moi le voleur en somme.

(Comment ! Il a senti cela, lui ! Ah ! qu’il est encore plus précieux que je ne le croyais…)

— Mais vous perdez la tête, mon ami, qu’est-ce que c’est que ces imaginations ?

— Ah ! cessez donc de jouer un rôle mondain. Soyez digne de vous, Antoinette, et répondez-moi — ou ne me répondez pas si, je ne sais pourquoi, votre courage a faibli. Je préfère le silence à ces protestations qui sonnent faux, car vos yeux, au moins, ne mentent pas. Mais laissez-moi vous dire que je me rends compte de la valeur de ce que je vous ai pris. À ce que vous étiez pour Annonciade, je mesure ce qu’elle devait être pour vous. C’est étrange… En l’écoutant me parler de vous, j’essaie parfois de me figurer ce sentiment qui vous unissait… Un homme qui s’aventure là dedans ne peut commettre que des bévues, et j’en ai commis, ou du moins, j’ai été tenté d’en commettre… Il me semble parfois que vous étiez un peu sa mère à cette petite, une mère du même âge, qui aurait eu seulement l’expérience de l’esprit et qui, pour le reste, se fût trouvée au même point qu’elle ; de là, une camaraderie qui égaie l’affection,