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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/258

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TROIS PARMI LES AUTRES

nait à détruire tout ce qui pouvait venir de moi, et maintenant, il me rappelle ? Faux prétexte ? Est-ce que ?…)

— Voyez-vous, cette féminité inconnue et qui ne se connaît peut-être pas elle-même me fait peur. Il me semble que vous, une fois que vous avez déposé la lance, jeune amazone, on doit vous trouver tout entière. Annonciade est si proche encore de la nature qu’elle me confond. Je la sens parfois qui m’échappe sans que je puisse la suivre et quand je la tiens dans mes bras, j’ai l’appréhension de la voir se changer soudain en arbre ou en ruisseau, comme les nymphes de l’antiquité…

— Quoi donc ! s’écrie Antoinette évitant de répondre directement, voilà que votre imagination vous tourmente, vous aussi ? Je croyais qu’il n’y avait que les femmes…

— Croyez-vous donc que nous soyons si différents, au fond ?

— Ah ! voilà ce que j’ai toujours pensé…

— C’est le rapprochement qui est difficile, murmure Robert rêveusement. Nous connaîtrons peut-être des heures divines, cette enfant et moi. Connaîtrons-nous jamais de belles heures humaines ? Ah ! l’homme est insatiable, Antoinette ! Sa tendresse me comble, et, par moments, je la voudrais autre. J’aimerais qu’il y eût, entre ma femme et moi, plus de clarté, moins de nuages, plus d’entente véritable et moins de rêves, plus de courage et moins d’illusions ; j’irai même jusqu’à dire, plus d’amitié et moins d’amour…

Antoinette, anéantie, écoute cette définition de l’amour qu’elle-même aurait tant souhaité donner. Est-ce une nouvelle ruse du vieil ennemi ? Peut-