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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/280

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TROIS PARMI LES AUTRES

Sa conscience, se débattant contre cette invasion de fantômes, essayait d’élaborer des idées simples :

« Annonciade dort-elle ? Robert a dû dîner chez elle. Elle m’écrira demain. Si Robert m’écrivait… Non, je n’y tiens pas. À la rentrée, chercher un appartement, ou une chambre. Pas chez Annonciade, on manque d’air. Et puis trop gênant, trop près de Robert. Robert au milieu de la famille d’Annonciade… Que raconte-t-il ? Ce que ça doit l’embêter… Les à-côtés du mariage, une mine de ridicules. Et maintenant ils dorment. Il faut répondre à papa… quelle fatigue ! Au fond, je m’en fiche. Olga va le tuer. C’est bien son droit, puisque ça lui fait plaisir. Tout le monde content, quoi… Je vais lui écrire que je suis contente. Non, je ne peux pas écrire ça, je voudrais étrangler cette fille. Si j’étranglais Olga, j’irais en prison. Un bon endroit pour lire les auteurs embêtants. Curieux, que cette lettre soit arrivée aujourd’hui. Comme Annonciade pleurait… Elle a tout compris. Quand elle aura des enfants, elle sera heureuse. Est-ce que Robert aime les enfants ? Je voudrais avoir une fille, je lui apprendrais à être rosse, à ne pas aimer. Oui, et à vingt ans, elle serait aussi bête que moi. Les mères carthaginoises qui élevaient leurs enfants pour le sacrifice, j’ai trouvé ça affreux quand j’ai lu Salammbô… Au fond, ça n’a pas beaucoup changé. Les fils pour la guerre, les filles pour l’amour, et allez donc ! Faudra-t-il encore dire merci ? »

Ces tentatives de raisonnement n’aboutissaient qu’à augmenter l’impression de confusion et d’extrême fatigue qu’elle éprouvait. Elle s’allongea,