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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/12

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des éléments, depuis l’union extérieure dans l’espace jusqu’aux combinaisons les plus intimes, depuis la synthèse mécanique de la pesanteur et de l’attraction moléculaire jusqu’à la synthèse la plus profonde des affinités chimiques.

Mais, dans toute l’étendue de ce premier règne de la nature : ou les éléments qui s’unissent ne changent, en s’unissant, que de rapports entre eux ; ou ils s’annulent réciproquement, en se faisant équilibre ; ou ils se transforment en une résultante commune, différente des éléments. Le premier de ces trois degrés est l’union mécanique, le second l’union physique (par exemple des deux électricités), le troisième l’union, la combinaison chimique.

Dans les trois cas, nous ne voyons pas de changement qui s’accomplisse dans un temps mesurable. Entre ce qui pouvait être et ce qui est, nous ne voyons pas de milieu, aucun intervalle ; c’est un passage immédiat de la puissance à l’acte ; et, hors de l’acte, il ne demeure pas de puissance qui en soit distinguée et qui y survive. Il n’y a donc point là de changement durable qui puisse donner naissance à l’habitude, et de puissance permanente où elle trouve à s’établir.

En outre, le résultat et le signe de la réalisation immédiate de leurs puissances en un acte commun, c’est que toutes les différences des parties constituantes disparaissent dans l’uniformité du tout ; mécanique, physique ou chimique, la synthèse est parfaitement homogène.

Or, quelle qu’ait été la diversité originelle de ses éléments constitutifs, un tout homogène est toujours indéfiniment divisible en parties intégrantes semblables entre elles et semblables au tout. Si loin que pénètre la division, elle ne trouve pas l’indivisible. La chimie cherche vainement l’atome, qui recule à l’infini. L’homogénéité exclut donc l’individualité ; elle exclut l’unité véritable, et par