Aller au contenu

Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

L’Habitude est donc pour ainsi dire la différentielle infinitésimale, ou, encore, la fluxion dynamique de la Volonté à la Nature. La nature est la limite du mouvement de décroissance de l’habitude.

Par conséquent, l’habitude peut être considérée comme une méthode, comme la seule méthode réelle, par une suite convergente infinie, pour l’approximation du rapport, réel en soi, mais incommensurable dans l’entendement, de la Nature et de la Volonté.

En descendant par degrés des plus claires régions de la conscience, l’habitude en porte avec elle la lumière dans les profondeurs et dans la sombre nuit de la nature. C’est une nature acquise[1], une seconde nature[2] qui a sa raison dernière dans la nature primitive, mais qui seule l’explique à l’entendement. C’est enfin une nature naturée, œuvre et révélation successive de la nature naturante.

L’habitude transforme en mouvements instinctifs les mouvements volontaires. Or, dans le mouvement le plus volontaire, la volonté ne se propose et l’entendement ne se représente que la forme extérieure et l’extrémité du mouvement. Cependant entre le mouvement dans l’espace et l’exertion de la puissance motrice, il y a un milieu rempli par des moyens qui résistent d’abord, et c’est de cette résistance seule que nous avons dans l’effort la conscience obscure. Comment la puissance motrice s’applique-elle à ce moyen qui résiste ? c’est ce dont nous n’avons plus aucune conscience. À mesure que nous reculons de la fin à l’origine, les ténèbres s’épaississent[3]. Or, par l’exercice répété ou prolongé, nous apprenons à

  1. Galien, De motu muscul., II, 17 : Ἐπίκτητος φύσις.
  2. Aristot., de Mem., 2.
  3. Van Helmont, De morbis archealibus (Ortus medicinæ, Amstelodami, 1648, in-4o.), p. 550, a : « Non enim modum novi quo initia seminalia suas dotes exprimunt, qui plane ut à priori mihi ignotus est. »