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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/44

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par parties et en détail dans toute la série qu’il enveloppe. Ainsi, dans son progrès au sein de la vie intérieure de la conscience, l’habitude figure sous une forme successive l’universalité des termes qui marquent dans le monde extérieur, sous la forme objective et immobile de l’espace, le développement progressif des puissances de la nature. Or, dans l’espace, la distinction des formes implique la limitation ; il n’y a que des différences déterminées, finies ; rien, donc, ne peut démontrer entre les limites une absolue continuité, et, par conséquent, d’une extrémité à l’autre de la progression, l’unité d’un même principe. La continuité de la nature n’est qu’une possibilité, une idéalité indémontrable par la nature même[1]. Mais cette idéalité a son type dans la réalité du progrès de l’habitude ; elle en tire sa preuve, par la plus puissante des analogies.

Dans l’homme, le progrès de l’habitude conduit la conscience par une dégradation non interrompue, de la volonté à l’instinct, et de l’unité accomplie de la personne à l’extrême diffusion de l’impersonnalité. C’est donc une seule force, une seule intelligence qui est dans la vie de l’homme le principe de toutes mes fonctions et de toutes les formes de la vie.

Seulement, avec les conditions de l’espace et du mouvement disparaissent celles de la réflexion et de la mémoire. Les fonctions les plus involontaires de notre vie, celles de la nutrition, par exemple, ne sont pas des habitudes anciennes[2], transformées

  1. Kant, Crit. de la Rais. pure.
  2. Perrault, Des sens extérieurs (Œuvres, 1721, in-4o) p. 547 : « Par l’attention qu’elle (l’âme) a donnée à toutes ces choses dans les premiers temps de la vie, elle a acquis une parfaite connaissance de toutes leurs propriétés, et, par le long usage qu’elle en a fait, elle se les est rendues tellement familières, qu’elle n’a plus besoin d’y employer que des pensées confuses et négligées. » Cf. p. 569.