Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v3.djvu/103

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deur du roi de Pruſſe. Nous n’ignorons pas qu’il eſt difficile d’apprécier ſes contemporains : on les voit de trop près. Les princes ſont ſur-tout ceux qu’on peut le moins ſe flatter de bien connaître. La renommée en parle rarement ſans paſſion. C’eſt le plus ſouvent d’après les baſſeſſes de la flatterie, d’après les injuſtices de l’envie, qu’ils ſont jugés. Le cri confus de tous les intérêts, de tous les ſentimens qui s’agitent & changent autour d’eux, trouble ou ſuſpend le jugement des ſages même.

Cependant, s’il étoit permis de prononcer, d’après une multitude de faits liés les uns aux autres, on diroit de Frédéric qu’il ſut diſſiper les complots de l’Europe conjurée contre lui ; qu’il joignit à la grandeur & à la hardieſſe des entrepriſes, un ſecret impénétrable dans les moyens ; qu’il changea la manière de faire la guerre, qu’on croyoit, avant lui, portée à ſa perfection ; qu’il montra un courage d’eſprit, dont l’hiſtoire lui fourniſſoit peu de modèles ; qu’il tira de ſes fautes même plus d’avantages que les autres n’en ſavent tirer de leurs ſuccès ; qu’il fit taire d’étonnement, ou parler d’admira-