Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v3.djvu/549

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à l’extrémité du globe, & les vents lui obéiſſent. Homme, quelquefois ſi puſillanime & ſi petit, que tu te montres grand, & dans tes projets, & dans tes œuvres ! Avec deux foibles leviers de chair, aidés de ton intelligence, tu attaques la nature entière & tu la ſubjugues. Tu affrontes les élémens conjurés, & tu les aſſervis. Rien ne te réſiſte, ſi ton âme eſt tourmentée par l’amour ou le déſir de poſſéder une belle femme que tu haïras un jour ; par l’intérêt ou la fureur de remplir tes coffres d’une richeſſe qui te promette des jouiſſances que tu te refuſeras ; par la gloire ou l’ambition d’être loué par tes contemporains que tu mépriſes, ou d’une poſtérité que tu ne dois pas eſtimer davantage. Si tu fais de grandes choſes par paſſion, tu n’en fais pas de moindres par ennui. Tu ne connoiſſois qu’un monde. Tu ſoupçonnas qu’il en étoit un autre. Tu l’allas chercher & tu le trouvas. Je te ſuis pas à pas dans ce monde nouveau. Si la hardieſſe de tes entrepriſes m’en dérobe quelquefois l’atrocité, je ſuis toujours également confondu, ſoit que tes forfaits me glacent d’horreur, ſoit que tes vertus me tranſportent d’admiration,