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Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/286

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L’ivrognerie, ou l’excès habituel des liqueurs fortes, eſt un vice groſſier & brutal qui ôte la vigueur à l’eſprit, & au corps une partie de ſes forces. C’eſt une brèche faite à la loi naturelle qui défend à l’homme d’aliéner ſa raiſon, le ſeul avantage qui le diſtingue des autres animaux qui broutent avec lui autour du globe.

Ce déſordre, quoique toujours blâmable, ne l’eſt pas également par-tout ; parce qu’il n’entraîne pas les mêmes inconvéniens dans toutes les régions. Généralement parlant, il rend furieux dans les pays chauds, & ſtupide ſeulement dans les pays froids. Il a donc fallu le réprimer avec plus de sévérité ſous un climat que ſous un autre. Il eſt arrivé de-là, que par-tout où s’eſt établi un gouvernement régulier, ce vice eſt devenu plus rare ſous l’équateur que vers le pôle.

Il n’en eſt pas ainſi parmi les nations ſauvages. Celles du Midi, n’étant pas plus contenues que celles du Nord par le magiſtrat ou le préjugé, elles ſe ſont toutes livrées, avec une égale fureur, à leur paſſion pour les liqueurs fortes. Il eſt entré dans la politique des Européens de leur en fournir, ſoit pour