Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/424

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inſurmontables à ce changement, comme on le croit trop communément. Son indolence ne lui eſt pas auſſi naturelle qu’on le penſe. Pour peu qu’on veille remonter au tems où ce préjugé défavorable s’établiſſoit, on verra que cet engourdiſſement ne s’étendoit pas à tout ; & que ſi l’Eſpagne étoit dans l’inaction au-dedans, elle portoit ſon inquiétude chez ſes voiſins, dont elle troubloit ſans ceſſe la tranquilité. Son oiſiveté ne vient en partie que d’un fol orgueil. Parce que la nobleſſe ne faiſoit rien, on a cru qu’il n’y avoit rien de ſi noble que de ne rien faire. Le peuple entier a voulu jouir de cette prérogative ; & l’Eſpagnol décharné, demi-nud, nonchalamment aſſis à terre, regarde avec pitié ſes voiſins, qui, bien nourris, bien vêtus, travaillent & rient de ſa folie. L’un mépriſe par orgueil, ce que les autres recherchent par vanité ; les commodités de la vie. Le climat avoit rendu l’Eſpagnol ſobre, & il l’eſt encore devenu par indigence. L’eſprit monacal, qui le gouverne depuis long-tems, lui fait une vertu de cette même pauvreté qu’il doit à ſes vices. Comme il n’a rien, il ne déſire rien : mais il mépriſe