Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/87

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exécutions, il ne perdoit rien de ſa gaieté. Fortement enclin à la raillerie, avec une ſaillie on le déſarmoit, pendant qu’il inſultoit au cri de la douleur qui lui paroiſſoit le cri de la lâcheté ou de la foibleſſe. Ce cœur de fer ſe jouoit de tout. Pour rien, il ôtoit, pour rien il conſervoit la vie, parce qu’à ſes yeux la vie n’étoit rien. Sa paſſion pour le vin n’empêcha pas que la force extraordinaire de ſon corps, que la vigueur monſtrueuſe de ſon âme ne ſe maintinſſent juſque dans l’âge le plus avancé. Dans la derrière vieillerie, il étoit encore le premier ſoldat, il étoit le premier capitaine de l’armée. Sa mort fut conforme à ſa vie. À quatre-vingt-quatre ans il fut écartelé, ſans montrer aucun remords du paſſé, ſans montrer aucune inquiétude ſur l’avenir.

Telle fut la dernière ſcène d’une tragédie dont tous les actes avoient été ſanglans. Les guerres civiles furent cruelles dans tous les pays & dans tous les ſiècles : mais au Pérou, elles dévoient avoir un caractère particulier de férocité. Ceux qui les ſuſcitoient, ceux qui s’y engageoient étoient la plupart des aventuriers ſans éducation & ſans naiſſance.