Page:Raynaud - La Mêlée symboliste, I, 1918.djvu/35

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Tolstoï par la sève, tant ils débordaient de généreuse pitié. Un succès formidable accueillait toujours le Cheval de fiacre, brisé de fatigue et de coups de fouet :


Dont nous ferions un saint si Dieu l’avait fait homme.


Lorsque l’intérêt languissait, ce poème avait le don de galvaniser l’assemblée. C’était, avec infiniment plus d’art, le digne pendant de la Jument morte qui valut une heure de célébrité au poète Poussin et dont toutes les brasseries du Quartier Latin retentirent durant quelques saisons.

Georges d’Esparbès, explosant de lyrisme, ambitionnait de n’œuvrer que dans le seul sublime. Il paraphrasait la Bible ou célébrait les « grenadiers épiques » avec la grandiloquence de Hugo et le ton de voix des prophètes.

Entre temps Willy, coiffé de son légendaire « bords-plats », venait, cordial et bedonnant. Il lâchait sur l’auditoire une volée de coq-à-l’âne si effarants et d’aphorismes si imprévus, que tout s’en illuminait de joviale bonne humeur. Cela dépassait de bien loin l’humour sec et la plaisanterie yankee du blondasse Alphonse Allais. Allais et Willy formaient le coin des ironistes que complétaient Léo Trézenik, normand finaud sous son