Page:Raynaud - La Mêlée symboliste, I, 1918.djvu/37

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On touche ici la bigarrure des esprits et la diversité d’un âge caméléon. Du fatras des écoles expirantes, une nouvelle s’efforce de surgir. Nul principe n’est encore intervenu pour coordonner tant d’efforts. Ce qui, en dehors du renom de Ch. Cros, assure à ces réunions une place dans l’histoire, c’est qu’elles furent le berceau d’une évolution lyrique. Là, se révélèrent deux talents puissants dont la rencontre fut le premier lien de l’école symboliste. J’ai nommé Laurent Tailhade et Jean Moréas. De leurs fécondes controverses va jaillir le tour nouveau. A la vérité, rien n’était plus dissemblable que ces deux natures et la vie ne devait pas tarder à les disjoindre, mais ils se trouvaient alors réunis par la même fièvre de recherches, la même ingéniosité, la même pénétration et la même hauteur de vues. Tous deux, encore imparfaits, donnaient pourtant, déjà, des gages de leur génie futur. Leur dandysme affecté tranchait sur cet ensemble bohème et décousu. Ils en tiraient relief. Jean Moréas n’avait pas encore dépouillé le vernis levantin, le scintillement exotique. Toujours ganté de blanc, lustré, frisé, sanglé, la boutonnière fleurie, orné de cravates multicolores et de plastrons rigides, il fulgurait de reflets. Sa nature timide et sensible se masquait d’un redoublement de manières