Page:Raynaud - Poésies, 1900.djvu/221

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Sur la route trempée, où frissonne le soir,
Tu vois les bœufs pensifs rentrer de l’abreuvoir,
Et les agneaux bêlants dont se presse le nombre,
Comme effarés devant cette énigme de l’ombre ;
Et tu songes, tandis que tinte l’Angelus,
Aux choses de l’Été qui déjà ne sont plus,
À la dentelle d’or et d’ombre sous les branches,
Au bruit de l’eau fleurie, aux belles formes blanches,
Où la force du sang fait craquer le carmin
En forme de bouton de rose des deux seins,
À Calliste, demi-sirène et demi-fée,
Qui nue et de soleil, en coup de vent, coiffée.
Avec la feuille peinte échangeant ses couleurs,
S’asseyait, les genoux croisés, parmi les fleurs.
 
Tu ne t’attardes pas au cercle des visages
Sous la lampe, quand tu traverses les villages,
Rien, ni la vieille église en paix ne te retient.
Ni la ferme où ton pas fait aboyer les chiens,
Mais si, crachant la flamme, avec un bruit d’orage,
Passe un train, secouant la campagne avec rage,
Si rapide qu’il n’est bientôt plus, dans la nuit,
Qu’un œil rouge qui tremble et qui s’évanouit,
Tu t’arrêtes ; sa fuite emporte ta pensée,
Et quand cette lueur dernière est éclipsée,