Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/11

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— La dame est bien belle, seigneur, fit-il, si j’en juge par votre joie.

— En effet, répondis-je.

J’étais triomphant comme si j’avais conquis tous les vaisseaux des Turcs. Et je compris alors quelle puissante volupté se trouve dans la vengeance.

Sur la place de Saint-Félice, je m’engageai dans une ruelle étroite, puis me dirigeai vers la demeure de mon ami Liello de Cecco. Je heurtai longtemps à la porte sans résultat ; j’allais me retirer quand Liello, fleurant de fines odeurs et à demi dévêtu, vint m’ouvrir. Il avait l’air à la fois gracieux et ennuyé.

— Ah ! mon cher Lorenzo, s’écria-t-il, quelle heure tu choisis pour rendre visite à tes amis.

— Je ne choisis pas mon heure, répondis-je, je cours à chaque instant le risque d’être arrêté. Comme ta maison est secrète et retirée, je suis venu t’y demander asile.

— Tu crains d’être arrêté, pourquoi ?

— J’ai commis un crime.

— Est-ce qu’on commet un crime par une chaleur pareille ?

— J’ai assassiné ma maîtresse.

— Comment ! toi ! tu as assassiné la Carlona ?

Je répondis d’un signe ; il montra d’abord quelque étonnement, mais ensuite me tendant les mains :

— Eh bien ! tu as parfaitement fait et je te félicite, Lorenzo. La Carlona était la putain du Diable. Il y a longtemps que je te l’aurais dit si je n’avais craint de te causer de la peine. Tu avais l’air si épris d’elle !

À ce moment, une voix dolente appela Liello de l’intérieur.

— Je viens ! Je viens ! cria Liello ; puis, se tournant vers moi : Mon cher ami, j’ai une femme à la