Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/114

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suite de la moindre dénonciation, du plus ridicule pasquin. Ce serait votre perte, monseigneur, et ce serait aussi ma chute. Vous voyez si je suis intéressé à vous soutenir et si vous devez recevoir mes conseils à la façon d’un avis de courtisan.

— Vous exagérez le péril, reprit Benzoni. Vous savez quelle est l’autorité du cardinal Valmarana, mon protecteur près de Sa Sainteté ; et, à Venise, quoi que vous prétendiez, toute la noblesse me soutient. Qu’importe d’ailleurs que je traîne les vices communs à tous les hommes. J’ai pour moi mon génie et ma puissance. Qui saurait me remplacer ?

— Ah ! fit l’abbé, croyez qu’on aimerait bien mieux voir à votre place un imbécile qui aurait seulement la moindre odeur de vertu. Notre-Seigneur l’a dit : Heureux les pauvres d’esprits ! et il doit avoir raison, puisque toutes les paroles qu’il a prononcées sont divines… Je vous le répète, vos intérêts exigent que Nichina quitte Venise.

— Comment l’en éloignerez-vous ? demanda le cardinal.

— Soyez tranquille, monseigneur, conclut l’abbé en terminant, je me suis occupé de vos affaires.

Cette conversation me remplit d’étonnement et d’inquiétude. Je me demandais ce que le cardinal pouvait avoir à redouter de pauvres êtres comme ma mère et comme moi, et quelles étaient à mon sujet les intentions de l’abbé Coccone.

Avant de partir, je voulus dire adieu à Guido et lui demander pardon. Il était couché dans la chambre du cardinal. En lui voyant la tête enveloppée d’un linge, je ne pus retenir mes larmes.

Pour lui, dès qu’il m’aperçut, il s’agita dans son lit et s’écria :

— Je ne veux pas qu’elle s’approche ! Qu’on la