Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/118

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avec lui dans la galiote. Les marins qui nous entourèrent me parurent des maures ; je n’eus plus de doute quand j’aperçus le capitaine qui s’avançait vers nous.

— Dieu est grand ! lui dit Coccone qui croisa les mains sur la poitrine en s’inclinant très bas.

— Allah akber ! répondit le capitaine.

Il me regardait avec attention, essayait de découvrir mes traits sous mon fazzuolo.

Coccone, qui ne savait point le barbaresque, reprit en vénitien :

— Je vous amène la jeune fille dont je vous ai parlé. Désirez-vous mieux la voir ?

— À sa taille, à ses formes, je devine qu’elle me plaira, répondit le capitaine dans la langue de son interlocuteur ; devant mes hommes il ne serait pas convenable de lui enlever ses voiles.

Là-dessus, il ordonne d’apporter du malvoisie, en offre une coupe à Coccone et vide aux yeux de l’abbé un sac rempli de ducats qu’il range en piles.

L’abbé, tout en buvant, comptait les tas d’or.

— C’est bien la somme convenue, conclut-il.

Il refait lui-même le sac, le met sous ses habits, salue profondément le capitaine et redescend dans le bateau qui s’éloigne au plus vite.

Quand je me trouve toute seule au milieu de ces étrangers qui me considèrent de la tête aux pieds, je sens mes jambes fléchir et j’éclate en sanglots. Alors surgit un homme, haut comme une perche, chauve, imberbe, ayant le ventre pareil à un sac gonflé, dont les bras ressemblaient à des fléaux et les joues à de vieilles toiles à goudron. Il me menace de m’attacher au mât et de me tanner la peau avec une corde à nœuds si je ne cesse mes pleurs.

— Allons ! Josouff, s’écria le capitaine, n’afflige