Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/133

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vous voir, mais dites-moi, comtesse, combien avez-vous donc de cousines ? C’est la douzième au moins que vous me montrez depuis cinq jours que je suis à Venise.

— Notre race, sachez-le, marquis, n’est point chiche de semence.

Nous nous mîmes en route. La comtesse s’avançait d’un pas large, comme si elle avait été la dogaresse en personne ; ses hanches se remuaient avec lenteur et solennité ; à côté d’elle Don Gaspar tricotait des jambes et, ne réussissant pas à régler son pas sur celui de sa dame, tantôt la dépassait, tantôt courait derrière elle. Cecca et moi, nous les suivions à quelque distance ; Cecca imitait leur démarche avec des gestes si bouffons que je n’en pouvais plus de rire. Soudain Don Gaspar, se retournant, aperçut notre jeu ; il nous lança un coup d’œil féroce et désolé.

— Vous avez des cousines bien malhonnêtes, dit-il.

— C’est qu’elles n’ont pas été élevées par votre père, répliqua la comtesse ; ce qui ne l’empêcha pas, d’ailleurs, dans une volte-face si rapide qu’elle faillit perdre l’équilibre, de faire une moue de reproche à notre adresse en nous désignant d’un clin d’œil l’Espagnol.

La vue de Saint-Marcilian les réconcilia sans doute, car ils entrèrent dans l’église en se donnant le bras. Avec toute la tendresse de nouveaux mariés, ils s’avancèrent jusqu’à la chapelle où étaient exposées les reliques. Morosina de Jacomo se précipita la première à genoux, avec un élan de piété qui émut toute l’assistance, et entraîna Don Gaspar. Selon la dévotion d’usage, ils baisèrent tous deux les marches de l’autel, puis demeurèrent longtemps prosternés, la tête dans la poussière, tendant à notre recueillement leur vaste postérieur.

Cette oraison à Saint-Marcilian nous valut une