Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/142

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ment que Vénus sort de la mer. Mon renard, mon aigre-fin, mon cœur froid est comme un insensé ; il ne reste pas en place ; il veut se jeter sur vous, avec l’impatience d’un chien qui voit qu’on se dispose à la promenade. Il y a encore la chemise à enlever. « Un peu de patience ! » dites-vous en écartant ses mains. Et, en femme qui ne perd jamais le sens de la mesure, tout en avant l’air de vous hâter, vous brouillez les liens, renouez les nœuds et retardez le moment suprême, de façon que le désir du paillard soit bien à point. Alors, tout d’un coup, — la manœuvre est délicate et exige de l’esprit, — vous vous baissez, et, comme par mégarde, vous donnez à entrevoir, le temps d’un éclair, vos plus secrètes, vos plus vastes magnificences. Dès ce moment, mon roué vendrait son bien, assassinerait son oncle, renierait son Dieu, si vous le lui demandiez. Vous n’avez plus à modérer vos exigences : il est prêt à vous donner jusqu’à sa peau. Vous, de votre côté, ne vous épargnez pas : il s’agit de le ramener dans votre lit le lendemain, lors même que ses affaires, sa femme ou la République le forceraient à partir.

— Mais les avares ? demanda Cecca, comment peut-on venir à bout d’un avare ?

— Ah ! mon enfant, ne me parlez pas de ces gens-là. De seulement les nommer, c’est un blasphème. La première chose à faire pour une femme qui vient de lever un galant, c’est de regarder si le gibier a cette patte à griffes d’où il est impossible d’extraire quoi que ce soit, fût-ce un bagattino. Si l’animal est de cette vilaine race, possédât-il tous les trésors du monde, une femme doit le fuir avec plus de diligence que le mal français. Le pape viendrait chez vous, si vous venez à apprendre que c’est un avare, fermez-lui la porte au nez. Car, voyez-vous,