Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/16

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— Était-elle au moins en état de grâce ?

Je racontai l’histoire de mes amours et de mon crime à l’abbé, qui consentit à prêter l’oreille à mon récit et se chargea, par de petits soupirs discrets, de rappeler mes paroles à la décence, lorsqu’elles étaient sur le point d’y manquer.

Tout à coup on frappe à la porte. C’est Nérina qui revient.

— Attendez un peu, dit Coccone, et, se tournant vers moi, il me parlait avec la vivacité d’un homme qui est pressé d’en finir avec une affaire ennuyeuse : vous voulez recevoir l’absolution ? C’est bien. Je vais vous la donner. Agenouillez-vous là ; préparez-vous à la contrition et regrettez de tout votre cœur vos péchés. Maintenant, continua-t-il, vous n’avez qu’un moyen de vous réconcilier avec Dieu, de fuir le châtiment que vous réservent les hommes et d’épargner une humiliation suprême à votre dévoué directeur : c’est de renoncer au monde et de vous retirer dans un couvent. Vous voyez combien serait pénible ma situation si, découvrant votre crime, on venait à savoir que je fus le confesseur d’un assassin.

La pénitence que m’imposait l’abbé me semblait pire que la mort. Je songeais aux mascarades de la Mercerie, aux collations du Lido et à des dames qui, avant que Carlona m’ensorcelât, m’apprirent à vénérer leurs belles chairs. Je m’écriai, dans un élan de désespoir :

— Renoncer au monde ! Et le puis-je, mon père ! Les images qui peuplent mon esprit, sans qu’elles offensent la vertu, n’ont rien de monastique, et croyez-vous que notre volonté suffise à nous en affranchir ? Est-il donc impossible de rester en bonne intelligence avec Dieu sans se consacrer exclusivement à son service ? N’est-ce pas plutôt pécher contre le Saint-