Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/167

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Dès le lendemain, Michele était dispos et je pus profiter de son enseignement. Il avait un savoir immense ; et les études approfondies qu’il avait faites des astres lui permettaient de juger les âmes humaines avec bien plus de finesse et de liberté que s’il n’avait jamais quitté des yeux les basses réalités de la terre. J’avais établi dans la porte de sa chambre un petit guichet, devant lequel il se postait à l’arrivée d’un nouveau galant.

— Michele, lui demandais-je, que penses-tu de ce muscadin ?

— Rien de bon, répondait-il, ou bien : Aime-le, c’est un cœur d’or.

Il ne se trompait pas très souvent. J’avais une pleine confiance en lui ; j’acceptais tous ses jugements ; je croyais toutes ses histoires. Seulement, lorsqu’il trouvait que mes caresses devaient avoir pour but de détruire l’animalité des hommes et de les ramener au bien, j’avais de la peine à m’empêcher de rire. Alors il ouvrait les yeux tout grands et me considérait avec inquiétude. Il me disait quelquefois :

— Nichina, vous ne vous êtes jamais montrée maussade pour moi comme la comtesse ; vous ne m’avez jamais joué de tour comme cette petite friponne de Cecca ; Nichina, vous êtes bonne, et pourtant, je vous l’avoue : il y a des moments où vous me faites peur !

Cet aveu me rendait fière ; je priais Michele de le répéter comme si je ne l’avais pas entendu ; et sans le contredire, en souriant, je l’écoutais confesser pour la vingtième fois la grande terreur que je lui inspirais.

Dans ces temps-là, un gentilhomme vint à la mai-