Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/180

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velours rouge. Elles battaient des mains au concert de violons et de flûtes qui s’élevait de la grande barque des musiciens, concert non point religieux et grave, mais si gai, si divertissant que les archets semblaient rire sur les cordes et que, ne se fût-on trouvé si pressé dans les barques, tout le monde se serait mis en danse. Lugrezia Barcariola, qui se croyait obligée par sa beauté à ne jamais sourire, me héla, d’une des gondoles, sans quitter son air majestueux.

— Viens-tu avec nous, Nichina ?

Déjà je serrais ma robe fine contre mes flancs à la grande admiration de tous les hommes, qui se pressaient pour admirer mon corps à travers les transparences de la soie et dont quelques-uns seraient, un peu plus, tombés dans le canal ; déjà, levant le pied, j’allais m’embarquer avec mes amies, quand la voix de Morosina me fit tressaillir :

— Eh bien, mon enfant, oubliez-vous que vous devez jouer la comédie ce soir ?

Morosina était devant moi, imperturbable comme la statue de la Constance.

Je crus qu’on me poussait un clystère entre les fesses.

— Laissez-moi, dis-je, bran pour vous et la comédie !

Mais ce rappel au devoir m’intimidait : je n’osais plus partir.

— Viens-tu avec nous, Nichina ? disait toujours Lugrezia.

Marietta Vespa parut dans la barque et vint s’asseoir sur les genoux de Geronima.

— Je vais te voler ton amoureux, me cria-t-elle.

— Non ! non ! je viens, lui répondis-je.

Mais il était trop tard. J’entendis des fusées de