Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/19

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sorte qu’en arrivant, j’eus un vif plaisir à entendre une cloche qui sonnait à toute volée. Je frappe à coups de poing à la porte et, après une longue attente, je me dispose à partir, quand, enfin, un guichet s’ouvre et, à la lueur d’une lanterne, une barbe grise, de petits yeux brillants, un gros nez rouge apparaissent sous un capuchon de bure.

— Que voulez-vous, me demande-t-on, est-ce que vous venez pour les lapins ?

— Non, par Bacchus ! je voudrais parler au supérieur, le père Antonio.

— Excusez : je croyais que vous étiez l’homme de Padoue qui doit m’acheter mes lapins. Le père Antonio n’est pas visible à cette heure, mais si vous êtes sans asile, vous pouvez entrer : notre maison appartient à tous les malheureux.

En même temps la porte s’entrebâille et j’aperçois la trogne joviale, couverte de bourgeons, d’un moine d’aspect gras et bienveillant.

Il m’examina d’abord des pieds à la tête, puis, devenu soudain confiant :

— Je fais mon petit commerce la nuit, me dit-il, parce qu’il nous est défendu de vendre quoi que ce soit. Pourtant les moines sont des hommes comme les autres et ils ont besoin de beaucoup de choses, n’est-ce pas ?

Je pénétrai avec lui dans une étroite cellule où il n’y avait qu’une couverture jetée sur le sol et une cage où je vis deux lapins qui parurent crever de terreur à mon approche.

— Mon logis est modeste, dit-il, mais on y est tranquille ; je suis le seul portier du couvent.

— Quoi ! mon frère, c’est là que vous couchez ?

— Mais j’y suis très bien. Vous ne voyez pas, il est vrai, mon lit tel que je vais le faire tout à l’heure,