Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/202

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— Voulez-vous boire ? demanda Orsetta en me présentant la fiasque.

— Buvez si vous voulez, répondis-je, moi je ne touche pas à ce vin.

— Ah ! j’ai trop grand soif pour suivre votre exemple, fit Orsetta en prenant une gorgée.

— Et moi aussi, dit Fenice. Je ne suis pas si dégoûtée. Et, après avoir vidé la fiasque, elle ajouta : Je ne le trouve pas mauvais, il est vrai que je ne suis pas une Nichina.

J’allais lui répliquer vertement, quand Vivaio nous appela en scène. Nous vînmes toutes les trois sur le théâtre et je récitai les premiers vers :

Du beau mont Hélicon
Voici l’Hymen qui descend,
Le visage resplendissant
Et le front couronné,
Couronné de marjolaine…

Je n’avais pas fini la dernière strophe, que j’aperçus près de moi, si près qu’il eût pu me toucher, un jeune homme qui m’écoutait avec admiration. C’était lui ! C’était bien le merveilleux visage que j’avais remarqué le matin dans le cortège du Doge. Maintenant, les douces ardeurs de son sourire me causaient l’émotion d’une joie ancienne et retrouvée, d’un bonheur intime, familier, qui aurait eu aussi le piquant du neuf et de l’imprévu. Soudain je reconnus Guido ! Oui, c’était bien mon Guido, mais transformé, embelli de grâces nouvelles. Et il n’y avait ni haine, ni colère dans ses yeux. Alors, je reçus au cœur comme un grand coup et je n’eus plus la force de prononcer un mot. Déjà, Fenice, qui jouait Vénus, s’adressant à l’Amour, lui désigne une jeune insensible :