Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenant sans doute à me montrer quelles propriétés flatulentes avait la nourriture du couvent, il éclata comme une outre pleine, puis gai, libre et sans plus d’embarras, il vint se coucher près de moi et approcha sa barbe sale de mon visage. Déjà il allait égarer ses mains sur mon corps, quand, le repoussant avec violence :

— Arrière ! dégoûtant animal, lui criai-je en me redressant. Va souiller de tes caresses infectes des misérables tels que toi. Je suis Lorenzo Vendramin.

— Mais, seigneur, répondit le frère, je suis d’une bonne famille. Je m’appelle Arrivabene.

— Eh bien, dis-je, Arrivabene, si tu me touches, je te crève la panse avec ce poignard.

Et je brandis un couteau dont la pointe brillante terrifia le moine.

— C’est une plaisanterie, seigneur, une simple plaisanterie ; mes intentions sont pures :

Amour se rencontre
Avec Chasteté, et aux amants il est permis
De se mettre ensemble et de se dire leurs histoires.

— Comment, vieux fou ! te voilà qui cites Pétrarque à présent, tu ne crains pas que les beaux vers du poète ne se déshonorent en passant par tes lèvres souillées ?

— Je vous prie de croire, seigneur, que mes lèvres sont aussi fraîches et innocentes que les vôtres. D’ailleurs je citais ces vers sans savoir qui les avait composés. C’est l’ancien légat, Monseigneur Benzoni, à la maison duquel j’étais attaché, qui les avait toujours à la bouche. Ah ! c’était un homme. Monseigneur Benzoni, une intelligence ! un esprit ! une vertu ! Sa mort est une perte pour Sa Sainteté : on ne le remplacera point. Ah ! quel homme de courage !

— Il ne te ressemblait pas alors.