Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/249

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— Vous m’assassinez, monseigneur, dit-il.

Nous partîmes le jour même. Le père Romuald humble, anéanti, vint nous souhaiter un bon voyage d’une voix rauque, d’une parole contrainte, laissant deviner, par ses gestes et sa physionomie, qu’il désirait pour nous les pires accidents.

— Sa Sainteté sera reconnaissante de ce que vous avez fait pour elle, mon père, lui dit le cardinal en montant à cheval.

À cette consolation ironique le père serra les lèvres, étouffant sa rage. Planté sur le chemin comme un peuplier mélancolique, à côté de Simpliciano et du frère portier, longtemps il suivit des yeux la petite caisse attachée sur la selle de l’abbé Coccone et qui renfermait les économies de Notre-Dame-des-Bois. Qui eût pu dire s’il pleurait les pièces d’or perdues ou l’espoir détruit d’un couvent idéal ouvert à toutes les infortunes ?

Je me hâtai de rendre à frère Arrivabene sa puante défroque qu’il reprit avec plaisir, car sa nouvelle robe ne lui allait qu’à moitié.

— Ah ! dis-je à Fasol, comme il est bon de respirer le grand air ! Il me semble que je sors d’une effrayante prison. Au milieu de tous ces moines, je me sentais devenir folle. Le monde me semble plus beau, depuis que je l’ai quitté. Les oiseaux dans les feuillages clairs, les vaches dans les près, et cette herbe pleine de fleurs, je voudrais tout baiser, tout embrasser. Décidément, je ne suis pas faite pour le ciel !

— Douce mignonne, disait Fasol, es-tu jolie dans ta joie, ardente et rouge de plaisir sous les beaux rayons de Monseigneur le soleil !

Et comme il m’en priait, j’arrêtai mon cheval puis, distraite, les yeux en l’air, je le laissai humecter ses