Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/255

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L’abbé Coccone, qui se trouvait près de Gacialda, s’efforça d’être aimable et de faire oublier, par des compliments, sa première réflexion.

— Ah ! mademoiselle votre fille, commença-t-il…

— C’est ma nièce, rectifia le duc.

— Mademoiselle votre nièce sera un beau parti.

— N’est-ce pas ? C’est une jolie chemisée de chair. Un peu capricieuse, un peu indépendante, je l’avoue, et n’étant pas tous les jours de bonne humeur. Nous nous disputons ferme quelquefois et, dame ! on se flanque de solides roulées. C’est une gaillarde. D’ailleurs nous ne sommes pas tous, tant que nous sommes, de petites perfections, pas vrai ? Mais n’importe ! c’est une bonne enfant. Et puis honnête. Il n’y a pas un mirliflore qui lui ait seulement levé le bas du cotillon.

— Vous devriez la mener à Venise.

— Pourquoi ça ? Est-ce qu’il n’y a pas à Venise plus de filles qu’il n’en faut ?

Voyant son maître causer avec Coccone, un chien de Gacialda, au long poil blanc et soyeux, pensa que l’abbé était un ami de la maison, et voulut lui présenter ses hommages. Il se dressa, appuya ses deux pattes de devant sur la poitrine de Coccone et, ne pouvant atteindre jusqu’au visage, il lui lécha le cou. Comme il sentit promptement que ses caresses n’étaient pas appréciées, il se retira avec un air boudeur, en laissant sur la soutane de l’abbé le souvenir de ses babines grasses et de ses promenades dans la boue. Je m’imaginais que Coccone allait montrer son mécontentement ; sans doute songea-t-il à la Passion de Notre-Seigneur, car avec un sourire résigné il reprit la conversation.

— Certes, oui ! les jeunes filles ne manquent pas à Venise, mais qu’il est rare de trouver chez elles ces solides vertus qui forment l’ornement d’une épouse