Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une à une, dans une poche profonde qui était cousue à la doublure. Ensuite il s’appuya sur les mains pour, courber devant le cardinal son dos voûté et s’en alla en répétant :

— Ah ! monseigneur, vous êtes un fier honnête homme, vous !

Cet entretien du cardinal, si dédaigneux d’ordinaire, avec un paysan ; les paroles malveillantes qu’il avait eues pour le duc, son hôte ; l’or qu’il avait donné au vieillard comme pour encourager ses mauvaises dispositions envers son maître, tout me causait un singulier étonnement. Alors, je ne sais pourquoi, la causerie que j’avais surprise de la cellule, à Notre-Dame-des-Bois, et à laquelle je ne songeais plus, me revint exactement à la mémoire. Je n’avais rien oublié. Et les mots s’en présentaient maintenant à mon esprit avec un sens terrible. Un crime va se commettre, pensais-je, et je ne sais sur quels êtres, et j’en ignore le but ! Comment découvrir, comment faire avorter le complot ? Pourtant je me rappelais bien que le cardinal, dans cette conversation de Notre-Dame-des-Bois, avait parlé de Paola, qu’il l’offrait à son interlocuteur pour amoureuse. Et j’avais beau me dire que c’était sans doute de sa part une plaisanterie indifférente, j’essayais vainement de calmer mon anxiété.

Sur ces entrefaites Paola, toute parée et tenant à la main un gros livre de prières en velin blanc, vint nous rejoindre. Fière de porter sa robe ridicule et trop longue, dont la traîne embarrassait ses mouvements, gauche et gênée par la nouveauté de son costume, elle avait perdu son air farouche de la veille et, son teint, rafraîchi par une longue toilette, ses yeux bleus pleins d’étonnement et de naïveté, lui faisaient le visage d’un tout petit enfant. Le cardinal, en la croisant, lui adressa d’ironiques flatteries, dont elle ne