Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/277

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même pas de lui répondre, trop fière, d’ailleurs, de ses succès passés pour être sensible à une médisance.

— Si vous aviez vu ma pauvre enfant lorsqu’elle revint de chez la Bombarda : elle était pâle comme ma chemise. J’essayais de la consoler, mais j’y perdais mon latin. « Puisque je ne puis pas réussir chez la Bombarda, répétait-elle, puisque je ne puis pas réussir, c’est bien simple : je vais me flanquer à l’eau. »

— Pourquoi donc vous obstiniez-vous à lui faire prendre un métier ? interrompit encore Marina Stella, que l’émotion de son adversaire ne désarmait pas. N’aviez-vous pas assez travaillé sous les courtines pour que votre enfant pût à présent se reposer ?

— Il n’est pas convenable de laisser les filles dans l’oisiveté, remarqua, sur un ton grave, Angela Balla-l’Ocche.

— Il est surtout imprudent, répliqua Marina Stella, de les abandonner à leurs penchants quand elles n’ont eu, pour toute éducation, que les exemples et les conseils d’une mère sans pudeur. Qu’elles prennent un amant, elles ne se feront guère scrupule d’emporter un trésor acquis par des voies si peu chrétiennes.

— Hélas ! s’écria Betta Pedali à laquelle cette réflexion arracha des sanglots, j’aurais dû prévenir ce qui est arrivé. Elle s’est sauvée, l’ingrate ! et devinez avec qui ? avec un peintre ! emportant tout ce qu’elle a trouvé dans la maison. Par bonheur, j’avais caché la cassette où je renferme ma fortune, car elle l’eût emportée aussi. Voici un mois qu’elle est partie et je n’ai pas de ses nouvelles. Ah ! je suis bien malheureuse ! Le bon Dieu me punit d’avoir autrefois causé tant de peine à ma pauvre mère.