Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Le mariage de votre fille ! C’est ma bourse qui en fait les frais.

— Enfin, ça serait tout de même bian de vot’ part, not’ maître, de nous laisser en paix comme les aut’z’ années.

— Nous verrons ça, père Borbottino, nous verrons ça. Maintenant je ne puis vous écouter.

Le vieux s’éloigna de son pas lent, tranquille, glissant çà et là, au milieu des groupes, sa tête de vipère.

Une clameur prolongée annonça que le dîner était prêt. On avait dressé les tables en plein air et chacun courut y prendre sa place. Il y eut un grand tumulte fait du trépignement et des cris de deux cents personnes. Le duc passait, tout essoufflé, derrière les bancs, se plaisait à changer de place les convives, entraînant à son bras ou poussant par les épaules de grandes filles qui s’en allaient retrouver leur rang, les yeux baissés et en pouffant de rire. Enfin le moment arriva où tout le monde put s’asseoir. Les larges croupes s’écrasèrent sur les bancs et les coudes s’étalèrent sur les tables, avec lourdeur et tranquillité comme pour bien marquer leur prise de possession. Alors on n’entendit plus que le bruit des lèvres gloutonnes aspirant la soupe et des cuillers d’étain raclant les écuelles. Je ne sais pourquoi le duc m’avait séparée de Fasol. J’étais assise entre le frère du marié et une vieille coquette de petite ville à laquelle le Beccafico avait vendu les cheveux de la Borbottino. Il lui rappela même le marché.

— Et, à propos, comment vous va la crinière de ma femme ?

La dame rougit beaucoup et déclara qu’elle était en heureuse harmonie avec la sienne.

Le teint frais et le front couvert de rides, elle exhalait l’odeur à demi éventée d’un vieux sachet de