Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/311

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convives des yeux ahuris et des lèvres luisantes de graisse, puis il dit simplement :

— Messer, j’ai le cœur affligé, mais des exigences d’appétit.

Arrivabene se leva de table pour le féliciter.

— Ah ! seigneur chapelain, fit-il, laissez-moi vous bénir pour cette excellente parole. Comment vivrait-on, s’il fallait à tout moment que notre pauvre corps envoyât à notre âme ses compliments de condoléances ? Moi aussi, j’ai eu de la peine ; par exemple, le jour de l’enterrement de ma pauvre tante, quand je me vis privé d’un héritage sur lequel, jusqu’alors, j’avais toujours compté. Eh bien, je me le rappelle à merveille : je n’ai jamais si bien bâfré que ce jour-là.

Michele des Étoiles avait commencé de causer avec l’astrologue ; le cardinal voulut savoir quelle impression ils avaient l’un de l’autre.

— Vous devez bien vous entendre, dit-il, n’avez-vous pas, tous deux, étudié la même science ?

— Messer possède sans doute de rares qualités, conclut l’astrologue avec la solennité d’un juge qui va prononcer une sentence de mort. Je regrette seulement pour lui qu’il soit plus ignorant qu’un âne.

— Messer, répliqua Michele sur le même ton, pourrait bien être le plus excellent des hommes. C’est dommage qu’il soit venu au monde avec une si grande provision de bêtise.

Puis, sans regarder son voisin dont les mains tremblaient de colère :

— À propos, monseigneur, dit-il, j’ai composé un sonnet à votre louange. Désirez-vous l’entendre ?

— Volontiers, s’il a de l’agrément, repartit le cardinal.