Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/335

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avez encore des relations avec cette, avec cette… (Il ne se souvenait plus de ton nom.) Vous avez tort : un homme comme vous, qui a Venise à ses pieds, devrait choisir de plus nobles amoureuses. — Monseigneur, lui ai-je répondu, je ne prise chez les femmes qu’une noblesse : la beauté. »

Mais je ne l’écoutais plus, envahie par une joie immense. Guido est ici, répétais-je sans cesse, il est ici, je vais le voir !

Je me regardai dans une glace et me trouvai jolie, très jolie. Je n’avais plus peur de l’existence, je ne me sentais plus enchaînée à Fasol, j’étais libre ! Et ce jour-là, comme si Guido devait venir, je mis un soin extrême à ma toilette.

Ce fut alors que Cecca entreprit de me détacher de Fasol. Elle espéra se venger ou me ramener vers elle.

J’avais obtenu de Fasol qu’il consentît à recevoir Michele des Étoiles. Il aimait à disputer avec le philosophe, bien que sa laideur l’exaspérât. Je profitais de cette bienveillance pour obtenir, chaque mois, les quelques scudi qui faisaient vivre le pauvre hère. Morosina consentait bien toujours à lui donner l’hospitalité, mais elle était si grondeuse qu’il ne retournait chez elle qu’à la dernière extrémité.

Fasol et Michele avaient de temps à autre des conversations de ce genre :

— Savez-vous pourquoi vous peignez ? disait le philosophe.

— Je peins parce que cela me rend heureux.

— Je ne vous demande pas cela, je vous demande si vous avez une théorie de la peinture ?

— Je n’ai pas d’autre théorie que de représenter le mieux possible tout ce qui me paraît beau dans l’existence.