Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/337

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— Grâce ! lui criai-je, grâce !

Mais, sans m’écouter, il me prit dans ses bras et me précipita dans l’escalier.

— Va-t’en, puits d’infection, va-t’en, ventre à marinier ! répétait-il.

J’en fus quitte pour de légères contusions, mais j’en eusse bien souffert le double pour être délivrée de lui.

Cette fois j’oubliai que, depuis ma liaison avec Fasol, j’avais peut-être montré, à l’égard de Morosina, trop de négligence : je retournai chez elle !

Cecca ne m’avait pas trompée : la comtesse ne m’en voulait point et me conservait un enthousiasme mêlé d’étonnement.

— Morosina ! lui dis-je, vite, trouve-moi un costume de paysanne !

— Un costume de paysanne, Sainte Vierge ! pour quoi faire ?

— Je veux me déguiser et aller au palais Benzoni. Je ne puis plus vivre sans Guido : il faut que je le voie.

— Ah ! ma pauvre fille ! quand l’âge vous aura-t-il rendue raisonnable ?

Une heure après, je m’étais noirci le visage, teint et arrangé les cheveux ; revêtue du schiavonetto des Chioggiotes, je n’étais pas reconnaissable. Je me rendis au palais Benzoni où je demandai à l’intendant de vouloir bien m’accepter comme servante.

— Nous n’avons pas besoin de domestiques, me répliqua-t-il

— Ah ! seigneur, m’écriai-je, prenez-moi, vous ne me donnerez que la nourriture si vous voulez. Je pourrai toujours vous rendre service, et vous me sauverez de la misère.

Mon air, ma mise, ma figure lui firent bonne impression. Bien que le déguisement me fût peu