Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/340

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— Cela m’est égal. Je viens t’arracher à tes abominations. Guido ! Guido ! tu oublies donc qui tu es pour te souiller ainsi ?

— Ah ! voyons, qui es-tu, toi-même, pour venir me prêcher la morale ?

— Je suis une femme qui t’aime et qui a grand pitié de toi.

— Tu n’es qu’une ignoble putain, qui couche avec tous les hommes.

— Guido ! Guido ! m’écriai-je les larmes aux yeux, si je suis putain, c’est toi qui en es cause, toi qui méprisas mon amour ! En tout cas, mes amours, si elles ne sont point chastes, ne vont point contre la loi de nature. Mais les tiennes sont horribles à Dieu et à tous les êtres.

— Sais-tu que je puis appeler et te faire jeter en prison ?

— Et moi, je puis te faire condamner au feu !

— Tu l’oserais, misérable !

Je m’étais jetée à ses genoux.

— Oh ! Guido, je t’aime trop pour cela ! Comment te voudrais-je du mal, toi qui m’as sauvé la vie à Posellino. Ne dis pas non ! Tu l’as fait. Et encore as-tu fait pour moi davantage. Oh ! oui, le jour du couronnement, si tu savais quelle joie j’ai ressentie à voir que tu ne me regardais pas avec haine, que peut-être tu pourrais n’aimer encore !

— Oui, je m’en souviens : tu étais belle, ce soir-là, et puis quelle passion il y avait dans tes gestes et dans ta voix ! Tu es une grande comédienne, Nichina. Et je t’ai admirée.

J’étais déjà redevenue toute riante, toute joyeuse.

— Je t’ai admirée, reprit-il, mais comme n’importe quel spectateur. Car, vois-tu, si je n’ai point conservé pour toi mes haines de jadis, mes haines d’en-