Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/356

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pent de ce monde méprisable qu’ils ont appris à connaître au fond de leur couvent, en lisant un traité de théologie, ils ont une habitude de sacrifier les hommes à l’humanité et de chercher la jouissance des personnes en torturant leurs membres, qui serait d’un comique irrésistible, si nous ne devions tant nous-mêmes en souffrir. L’homme, en réalité, n’a qu’une supériorité sur les autres animaux : c’est d’avoir choisi une pièce d’or, pour représenter tous ses instincts et, par là même simplifier la guerre qu’il livre à l’homme, se permettre une trêve dans ses batailles, sauvegarder, embellir, diviniser ses fonctions. Il faut croire, pourtant, que ce symbole dépasse l’intelligence commune, puisque, sans cesse, des êtres comme frère Girolamo ou Martino de Calabre s’élèvent contre cet or souverain qui concentre sur lui toutes les fureurs et toutes les haines, en laissant l’amour et la faim se rassasier presque en paix.

— Vous tenez des discours effrayants, dis-je, mais vous n’eussiez point parlé de la sorte autrefois.

— Ah ! fit Michele, depuis que je vous ai connue, j’ai usé plusieurs philosophies. J’ai été avec l’Aristote de l’École, puis avec l’Aristote de Pomponazzi ; j’ai été platonicien ; je ne suis plus maintenant que moi-même, du moins en ai-je le désir. Ne faites pas attention à mes systèmes. Les philosophes, comme les autres hommes, sont enclins au changement.

— Savez-vous que, si l’on vous entendait, vous seriez brûlé ?

— Ma chère amie, je ne dévoile mes pensées, comme vous ne levez vos robes, qu’en secret.

— Et si je vous dénonçais ?

— Oh ! s’écria-t-il, je n’ai pas à craindre ce malheur : il faudrait que vous m’eussiez aimé.

— Enfin, Michele, ne trouvez-vous pas qu’à notre