Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/371

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— La putain ! La putain du Juif !

— Pour lui écorcher la peau !

— Et la décrotter dans le canal !

Je tendais l’oreille, immobile de terreur, écrasée sous les outrages.

— Voyons, mes amis, dit le peintre, vous ne me connaissez donc point : je n’ai pas de relations avec les juifs. Je suis Paolo Fasol !

Il y eut dans la foule comme un long murmure d’étonnement. Quelqu’un m’avait bien vue entrer dans la maison, mais le peuple croyait trop en Fasol pour s’imaginer qu’il cachait chez lui la maîtresse d’un juif.

— Je suis dans cette maison avec une jeune femme souffrante et qui a peur de vos cris. Ayez donc pitié d’elle !

Puis, à voix basse, il me demanda de me montrer au peuple.

— N’aie pas peur, ajouta-t-il, la plupart de ces gens ne t’ont jamais vue et les autres ne pourront, dans cette pénombre, te reconnaître. Notre salut est dans notre audace.

Alors, je m’approchai en tremblant de la fenêtre et, comme naguère, à la fête du couronnement, les cris « Belle ! Belle ! Belle ! » retentirent, lancés par mille voix.

— Mes amis, reprit Fasol, ne soyez pas cruels envers cette pauvre femme et retirez-vous.

Des protestations et des vivat lui répondirent, tandis que la foule se dispersait lentement.

— Vous avez tort de raconter ces aventures devant des jeunes filles, dit la Petanera qui rentrait de coucher sa mère.